Les marchés ont traversé une zone de turbulences la semaine passée, les grands indices boursiers abandonnant près de 5% sur la semaine.
Côté taux, l’OAT 10 ans a dépassé les 1%, le haut de la fourchette dans laquelle elle évolue depuis 3 ans.
L’indice VIX, qui mesure l’anticipation de la volatilité à venir, a atteint 50% en séance, un point haut après des années de léthargie autour de 10%, reflétant le sentiment qu’un changement de régime de volatilité est en cours.
De nombreux produits dérivés pariant sur une faible volatilité – un pari consensuel très prisé des hedge funds – ont été désactivés, ce qui a fait craindre des liquidations en chaîne.
Pourquoi un tel mouvement ?
Cette correction peut impressionner mais il faut garder la tête froide : elle est naturelle après une hausse de 20% à 25% des grands indices boursiers en 2017.
Pourquoi a-t-elle lieu maintenant ? Citons principalement la crainte de voir la politique monétaire américaine se durcir en raison d’une inflation plus forte que prévu, ce qui entraînerait les taux d’intérêt à la hausse et un retrait de la liquidité excédentaire, défavorable au marché actions.
La hausse du salaire moyen aux Etats-unis (+2,4%) laisse ainsi penser qu’une hausse de taux directeurs américains plus rapide est possible cette année (quatre hausses de taux plutôt que trois), et l’arrivée de Jerome Powell à la tête de la Réserve Fédérale est jugée propice à un tel changement de cap.
Et en Europe ?
En Europe, c’est toujours l’inflation qu’il faut observer attentivement.
Nous l’évoquions le mois dernier : l’ouvrier allemand est en position de force pour négocier ses conditions de travail. Le syndicat IG Metall a obtenu un accord complexe mêlant primes, augmentations salariales et réduction du temps de travail volontaires, résultant en une augmentation salariale proche de 4% par an, en 2018 puis en 2019.
Evidemment, ces conditions sont surtout un reflet du plein-emploi en Allemagne, et ne sont pas représentatives de toute la zone euro, mais cet accord est regardé de près par la BCE, dont le mandat est de piloter les taux directeurs afin de maintenir l’inflation à un rythme proche de 2%. Une accumulation de ces signaux entraînera nécessairement une politique plus ferme, et c’est là la crainte des investisseurs. Outre-Manche, la Bank of England, confrontée elle aussi à la même problématique, a averti sur une hausse des taux plus précoce qu’anticipé par le marché.
En zone euro, une lente remontée des taux longs
Le point bas sur les taux longs est certainement derrière nous.Partout dans le monde les taux longs ont repris un cycle haussier, plus ou moins vigoureux selon les zones.
À quels rythme vont-ils progresser ? La vigueur de l’inflation salariale peut-elle remettre en cause 35 années de baisse tendancielle des rendements obligataires ?
Nous voyons deux scénarios :
- L’inflation « dentifrice » : une fois sortie du tube, elle ne peut plus y ré-entrer, et les Banques Centrales doivent œuvrer pour la contrôler.
- L’inflation « soufflé » : la démographie trop faible et la concurrence des pays à bas coûts de la vie reprennent le dessus et continuent de modérer la hausse des prix et des salaires.
Le deuxième scénario nous semble le plus probable : une normalisation plutôt qu’une dérive.
La synchronicité de la croissance mondiale justifie pleinement un arrêt des politiques monétaires exceptionnelles. Mais les Banques Centrales seront nécessairement très prudentes. Elles ne peuvent pas porter la responsabilité d’une nouvelle crise de liquidité ou de renchérir trop brutalement la dette publique, et tout regain de volatilité repoussera mécaniquement le moment où elles pourront raffermir leur politique.
La remontée sera probablement lente, en dents de scie, alternant des épisodes de tension et de détente.
La prochaine réunion de la BCE, prévue le 8 mars, sera l’occasion pour Mario Draghi de fournir davantage d’informations sur l’arrêt du programme de rachat d’actifs.
Quelles conséquences pour placer la trésorerie d’entreprise ?
Tant que la Banque Centrale Européenne ne remontera pas ses taux directeurs, la rémunération des produits monétaires restera en territoire négatif. Ce sera vraisemblablement le cas pendant toute l’année 2018.
Les liquidités excédentaires persistent sur les marchés, et la recherche de produits d’échéance courte à la fois liquides et rémunérateurs est toujours difficile. Les primes de risque sont toujours très compressées : sur le court terme, elle ont rejoint les plus bas de 2007. Le regain de volatilité pourrait les tendre davantage, mais il est illusoire de compter dessus pour obtenir un bon rendement.
L’opportunité provient des taux longs : une pentification permet aux banques d’offrir une meilleur rémunération des comptes à terme, et aux trésoriers de figer de bonnes conditions de placement.
Il convient, comme toujours, de saisir de façon opportunistes toutes les fenêtres de tension (des taux et des marges de crédit) pour bloquer des taux de placement compétitifs !
Cet article a initialement été publié sur le blog de PANDAT FINANCE. Pour le consulter, cliquez ici