Cet article est rédigé par Corentin COLARIS, consultant indépendant en financement, analyse financière et valorisation d’entreprise.
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Après des semaines de roadshow à présenter votre projet à des investisseurs, vous recevez enfin des retours positifs ! Le premier signe contractualisant l’intérêt d’un investisseur est la Lettre d’Intention (LOI), qui vous engage implicitement à cesser votre prospection auprès d’autres investisseurs. Une fois cette étape passée, vous entrez dans une phase de négociation, qui va se centrer autour de sujets juridiques et financiers cruciaux. Nous nous focaliserons ici sur les principaux thèmes abordés durant les négociations entre entrepreneurs et investisseurs.
Lors de cette étape, il faut partir du principe que l’ensemble des critères suivants sont importants. En effet, si vous avez pu négocier une valorisation à la baisse, celle-ci se répercute souvent sur un pacte d’actionnaires plus rigide, ou l’usage de produits financiers plus complexes. Ainsi prenez bien en considération l’ensemble de ces critères, avant de déterminer une stratégie d’approche face au futur partenaire financier potentiel.
Le sujet ici traite plus particulièrement des levées de fonds en capital investissement.
La valorisation
Par l’intermédiaire de différentes méthodes (Comparables boursiers, multiples de transactions et Discounted Cashflow), l’investisseur va définir une valeur pre-money de votre société. Cette valeur va déterminer un prix par action, impactant mécaniquement le pourcentage de détention au capital de chacun des nouveaux actionnaires. Une valorisation élevée signifie donc que le nouveau prix par action sera important, et empêchera une dilution marquée des actionnaires initiaux … Et inversement.
Les investisseurs vont pondérer les différentes méthodes, afin de présenter la valeur la plus juste possible. Cette pondération se fait en fonction de la crédibilité de votre business plan et la qualité de l’échantillon de sociétés comparables.
Le choix des produits financiers
Le marché du private equity est naturellement illiquide, de par la durée et la nature des investissements. Afin de faire face à ce risque, les investisseurs peuvent utiliser plusieurs produits, dont voici les principaux.
- Le titre de participation (action) : Cet instrument financier est le plus répandu en capital-investissement, et également le plus utilisé. La souscription au capital social de l’entreprise offre certains privilèges, comme la possibilité de prendre part aux décisions stratégiques de l’entreprise, d’avoir un retour sur investissement potentiel non capé (la valeur de l’action n’ayant pas de limite) et la possibilité de recevoir des dividendes. Cependant, l’engagement fait par l’investisseur d’utiliser ce type de produit le rend junior en cas de défaut de l’entreprise. De ce fait, il ne sera remboursé que lorsque les autres créanciers l’auront été avant lui.
Certaines catégories d’actions offrent des privilèges, avec des spécificités relatives aux droits de vote, aux dividendes perçus par les actionnaires ou lors d’opérations spécifiques au capital (augmentation, cession, liquidation).
Les fonds d’investissements et les business angels sont les principaux souscripteurs à ce type de produit.
- La dette : Cet instrument financier va le plus souvent être souscrit auprès d’un établissement de crédit. Il correspond à un contrat, stipulant la souscription à un apport financier, sous réserve d’un remboursement chronique (des intérêts et du montant de l’apport) défini en amont. Selon la situation financière de la société, ses actifs sous gestion et de sa capacité à s’autofinancer, les financeurs peuvent demander des garanties supplémentaires. La souscription de dette est donc à réaliser avec mesure, car elle va entraîner une sortie de cash régulière afin de payer la dette, mais également rigidifier la possibilité de s’endetter plus.
- L’Obligation Convertible (OC): L’Obligation Convertible (OC) est un produit financier hybride à la frontière entre la dette et l’action. Elle correspond à une dette d’un point de vue cash et juridique (remboursement chronique des intérêts et du montant souscrit), soumise à certaines garanties, mais adossée à une option supplémentaire : celle de transformer la dette souscrite en action, selon une parité définie contractuellement en amont.
Il existe trois situations possibles durant la période de souscription de l’OC :
- Certaines obligations n’ont pas vocation à être converties. Dans ce cas, le financeur ne convertit pas la dette en actions de l’entreprise, mais reçoit une prime de non conversion au moment de la dernière annuité, afin d’ajuster son Taux Interne de Rentabilité.
- Certaines obligations ont pour vocation d’être converties, permettant à l’investisseur de profiter d’une couverture (ou d’un arbitrage) sur de potentielles fluctuations inattendues du prix de l’action de la société. Le financeur devient investisseur, et reçoit des actions de la société à un prix défini en échange de la dette.
- Certaines obligations sont converties en cas de non respect des covenants stipulés au contrat (on parle souvent de conversion sanction).
Ce type d’instrument intervient le plus régulièrement lors d’un différend entre l’entrepreneur et l’investisseur au sujet de la valorisation (la dette n’étant pas un titre de propriété, la valorisation n’est pas nécessaire), ou lorsque l’investisseur perçoit l’investissement comme trop risqué (dans ce cas, le montage est souvent un couple actions + OC).
Le pacte d’actionnaires
C’est un document juridique régissant les relations entre les différents actionnaires d’une société. Il prend en compte certains points importants, comme la vente des titres, les droits de votes lors des Assemblées Générales et les clauses relatives aux pouvoirs et à l’accès à l’information. Ce document est sensible, car il peut donner des pouvoirs de décision clefs à certains actionnaires relatifs au management et à l’avenir de l’entreprise.
Le périmètre d’intervention
L’organisation capitalistique d’une société a un intérêt dans les négociations avec les investisseurs. Le fait de séparer les intérêts stratégiques et opérationnels (une holding et sa filiale) permet de définir des périmètres d’intervention spécifiques pour les investisseurs. Ce genre de structure offre de la flexibilité dans les négociations.
La structure financière de la société
Les investisseurs n’analysent pas uniquement la capacité de votre activité à générer des bénéfices. Ils prennent également en compte la structure financière de votre société, et donc les futurs flux de trésorerie négatifs liés aux remboursements de vos dettes (si elles existent). Selon votre taux d’endettement, ces flux vont plus ou moins impacter la trésorerie cumulée en fin de période d’investissement, et donc la fiabilité de l’investissement potentiel. Soyez donc cohérent dans votre schéma de financement.
Le retour des due diligences
Avant de se prononcer définitivement sur le souhait d’investir ou non au sein de votre entreprise, l’investisseur va réaliser les travaux d’audit nécessaires. L’objectif est de constater la transparence financière, l’application en règle des normes comptables, la correcte intégration des processus de gestion et d’administration et l’absence de risques relatifs aux créanciers de la société. Les zones d’ombres révélées par l’audit pourraient être des arguments pour exercer une pression sur l’entrepreneur, préparez vous en conséquence.
Les opportunités de sorties
Avant même d’investir dans un projet entrepreneurial, l’investisseur réfléchira à sa sortie du capital et à la liquidité de son investissement. Si votre entreprise est sur un marché en vogue, ou que vous êtes capable en amont de sceller la sortie de l’investisseur (rachat par un industriel contractualisé, introduction en bourse programmée), vous profitez d’un pouvoir de négociation supplémentaire. Cependant, si la correcte sortie de l’investisseur semble être rattachée à des événements spécifiques et difficilement quantifiables, l’investisseur possède ce levier de négociation.
Les investisseurs intéressés par le projet
Le mécanique jeu de l’offre et de la demande. Si vous êtes courtisé par de nombreux investisseurs, la valorisation de votre société ne s’en portera que mieux. Cependant, tous les investisseurs n’ont pas la même valeur ajoutée pour vous et votre projet. Ainsi certains investisseurs vous seront plus intéressants que d’autres, de par leur réseau ou leur expertise. Ne vous focalisez donc pas uniquement sur la valorisation, mais également sur des aspects plus pratiques et stratégiques. Les personnes et entités actuellement présentes au capital ont également une valeur, selon leur expertise et leur notoriété.
D’autres leviers de négociations peuvent apparaitre au fur et à mesure des échanges et de l’évolution de votre produit sur son marché.
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