Nous avons des difficultés à parler d’argent avec nos amis, nos collègues, notre famille. Même avec notre conjoint ce n’est pas évident. Et pourtant l’argent concerne tout le monde.
Janine Mossuz-Lavau est sociologue et directrice de recherche au CEVIPOF-CNRS. Elle a enquêté auprès de 500 personnes, de tous âges, de tous milieux pour comprendre comment se faisait l’apprentissage de l’argent et quel est son poids dans la culture familiale.
Parler d’argent est plus difficile que de parler de sexualité, constate-t-elle dans son livre « L’argent et nous ».
Pour la classe moyenne, c’est en théorie plus facile. C’est par définition la classe moins éloignée des autres, celle à laquelle le plus grand nombre peut s’identifier. Pourtant, la retenue règne : revenus, dépenses et patrimoines ne se partagent que très difficilement.
Les plus pauvres sont encore plus pudiques, craignant de susciter commisération et compassion. Les plus riches, surtout les très riches, ont peur d’attirer envie et mépris. Des raisons différentes, mais partout un même tabou.
Un tabou plus léger sur les revenus, mais toujours fort sur les patrimoines
Selon un sondage Yougov commandé par 20 Minutes, les jeunes sont plus décomplexés pour parler d’argent, du moins jusqu’à une certaine limite : comparer les salaires des premiers boulots et les loyers, passe encore. Mais le patrimoine, c’est plus difficile.
Un patrimoine issu du travail est suspect et méprisable (a-t-il exploité son prochain ? est-il radin pour épargner autant ?). Un patrimoine hérité n’est pas mérité, donc encore plus détestable.
Et c’est ainsi que les tabous se renforcent avec le patrimoine et avec l’âge…
D’où vient cette culture du secret autour de l’argent ?
On évoque souvent des raisons religieuses, ou le passé révolutionnaire des Français, voire l’impossibilité pour les femmes d’ouvrir un compte bancaire sans l’accord de leur mari qui a prévalu jusqu’en 1965.
En réalité, toutes ces raisons, mêlant clichés et anecdotes, résistent assez mal à l’étude critique.
La loi sur l’autonomie financière de 1965 par exemple, ne concernait que les femmes mariées non salariées. Les célibataires et les salariées avaient leur propre compte depuis 1907. La cause de femmes a certes progressé très tardivement, mais ne noircissons pas le tableau !
On oppose aussi la jalousie des Français à la recherche de la réussite américaine. Les Français prendraient du plaisir à voir échouer leurs proches…
La réelle particularité française, en revanche, c’est son système social mutualisé. Ce système apporte beaucoup d’avantages mais dissuade totalement les Français de s’intéresser à leur argent. Ils peuvent passer leur vie sans s’en occuper, les cotisations sociales se chargent de tout. Pas étonnant alors que les Français, déresponsabilisés de leurs finances, se retrouvent systématiquement en bas du tableau dans les enquêtes sur la culture financière !
D’autres systèmes de retraite ou de santé font reposer leur financement sur l’épargne personnelle, ce qui force à s’en occuper et donc à en discuter ouvertement.
Le mimétisme familial comme seule base
Parlons un moment (un moment seulement, promis !) des infections sexuellement transmissibles. Le tabou facilite leur propagation : on a honte d’en parler, honte de se faire dépister ou soigner, alors on fait comme si de rien n’était.
En matière d’argent, c’est un peu la même chose : le tabou propage des croyances limitantes tous les maux qui viennent avec (surconsommation, surendettement, mais aussi sur-thésaurisation, sous-estime de soi…).
On cantonne les enfants à la gestion de leur argent de poche, estimant que c’est bien assez. Pas étonnant qu’ils s’inventent des histoires lorsqu’ils voient leurs parents tard le soir, calculette à la main, papiers étalés sur la table de la cuisine, parfois en parlant fort. S’occuper d’argent devient une activité grave et intime réservée aux adultes (alors qu’ils sont peut-être simplement en train de remplir la déclaration de revenus).
Poursuivons la comparaison : parents et ados savent qu’ils auront à passer par « LA » discussion sur la sexualité. Mais pour la finance, on fait comme si ce n’était pas important.
Le tabou de l’argent entretient le conservatisme social
L’éducation se fait donc ailleurs. Lorsque le tabou règne, chaque petite phrase sur l’argent prend un poids démesuré : dans un silence absolu, un chuchotement devient un cri.
Quand François Hollande a annoncé maladroitement qu’il n’aimait pas les riches qui gagnent plus de 4 000 euros par mois, il a rendu suspecte toute volonté de s’enrichir.
Pour ne pas être exclu de son groupe social, il faut rester dans sa case. « Nous » d’un côté, « eux » de l’autre, comme dans la rhétorique communiste révolutionnaire « Nos vies valent plus que leurs profits ».
Selon ceux qui crient le plus fort, si vous cherchez à évoluer financièrement vous devenez un traître à votre camp. Sous couvert de révolution, ce genre de phase entretient le conservatisme…
Et puisque personne d’autre n’ose parler d’argent, cela devient une vérité.
Coupable de bien gérer, coupable de mal gérer
Avec toute cette charge mentale autour de l’argent, certains adultes culpabilisent lorsqu’ils épargnent régulièrement. Avoir un compte bancaire en bonne santé devient honteux.
Doit-on offrir des cadeaux à tout le monde lors des réunions de famille, sous prétexte que l’on tient un budget ? Si l’on révèle sa richesse (toute relative), se retrouvera-t-on à payer systématiquement l’addition au resto ? À quoi servent les sacrifices personnels s’il faut en partager les fruits ? Le conflit n’est pas très loin…
Certains tentent de prouver leur innocence : « La finance, moi j’y connais rien ». Vous avez déjà entendu cette phrase. C’est une fierté pour certains (tout comme être nul en maths). Admettrait-on aussi facilement de ne pas savoir lire ?
C’est un sujet important, il n’y a pas de honte à s’en occuper, aucune raison de se justifier !
Heureusement, Internet démocratise la culture financière. C’est une très bonne chose. Encore faut-il éviter les multiples arnaques qui se terminent toujours mal et renforcent le schéma mental « argent = cupidité = punition » !
Coupable de bien gérer, coupable de mal gérer, coupable de ne pas gérer… Le tabou rend tout le monde coupable.
Le coaching permet de rompre ce tabou sur l’argent
Le tabou autour des finances personnelles crée de nombreuses croyances limitantes. Le chemin vers la sérénité financière est déjà objectivement difficile, pas besoin d’y ajouter ses propres barrières psychologiques…
Nous travaillons beaucoup sur ces barrières lors des coachings. Pour tous nos clients, pouvoir parler d’argent sans tabou est déjà une première libération !
Nous verrons dans un prochain article comment parler d’argent.
Cet article a initialement été publié sur le blog de PLENIT FINANCES. Pour le consulter, cliquez ici